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AMR douanier et refus de sursis de paiement avec dispense de garantie : forclusion de la contestation et dispense écartées

Transport - Douane
30/04/2024
La décision du comptable des douanes refusant la dispense de garantie pour le sursis à paiement d’un avis de mise en recouvrement et ne comportant pas de mention des délais et voies de recours, tout en étant ambigüe dans sa formulation sur ces délais, la forclusion opposée par la Douane à la contestation de cette décision par l’opérateur est écartée par une décision du tribunal judiciaire de Paris du 18 avril 2024. Celui-ci écarte aussi au fond le bénéfice de cette dispense de garantie à défaut pour l’opérateur d’expliquer l'impossibilité de constituer une garantie sur son patrimoine, et surtout de démontrer une impossibilité de constituer toute garantie ou cautionnement sans qu'il n'en résulte de graves difficultés d'ordre économique ou social.
S’étant vu notifier des AMR par la Douane, un opérateur en a contesté les créances et a sollicité un sursis de paiement avec une dispense de garantie en raison de sa situation personnelle. Par un courrier recommandé du 19 février 2024, dont l’opérateur a accusé réception le 22 février 2024, le Receveur interrégional des Douanes l’a l’informé de son refus de la dispense de garantie au motif que « sa situation ne reflétait pas de graves difficultés d'ordre économique ou social qui justifieraient une telle dispense » (reprenant en cela la formule de l’article 348 du Code des douanes ci-dessous) et l'a invité à lui faire connaître, avant le 1er mars 2024, les modalités pratiques de mise en place de la garantie.
 
Par requête datée du 11 mars 2024 reçue au greffe le 13 mars 2024, l’opérateur a saisi le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en matière de référé, au visa de l’article 349 du Code précité (qui dispose notamment que « Toute contestation des décisions du comptable des douanes relatives aux garanties exigées du redevable peut être portée, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la réponse du comptable des douanes ou de l'expiration du délai imparti pour répondre, devant le président du tribunal judiciaire, statuant en référé »), pour faire annuler la décision précitée du comptable des douanes du 19 février 2024 et voir ordonner un sursis à paiement des AMR avec dispense de garantie.
 
Absence de mention des délais et voies de recours + ambiguïté = forclusion écartée
 
La Douane oppose à l’opérateur la forclusion de sa contestation de la décision du comptable : selon cette administration, il était forclos à contester cette décision par courrier du 11 mars 2024 puisque le délai de 15 jours courant à compter de la notification reçue le 22 février 2024 était expiré à cette date. Au contraire, l’opérateur soutient que sa contestation est recevable, la décision l'invitant à faire connaître, avant le 1er mars 2024, les modalités pratiques de mise en place de garanties, et faisant donc courir le délai de 15 jours de l’article 349 précité à compter de cette date-ci.
 
Le tribunal judiciaire donne raison à l’opérateur en retenant que la forclusion ne lui est pas opposable, mais pas en suivant exactement son raisonnement. D’abord, la notification de la décision du Receveur interrégional des douanes, intervenue le 22 février 2024, ne mentionne toutefois pas les voies et délais de recours à l'encontre de cette décision : il n'est pas fait référence à l’article 349. Or, poursuit ce juge, l’article R. 421-5 du Code de la justice administrative prévoit que « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ». En outre, ajoute encore le tribunal, « la rédaction de la réponse du 19 février 2024 est de nature à créer une ambiguïté sur le point de départ du délai de contestation en ce que le requérant est invité à faire connaître les modalités pratiques de constitution d'une garantie avant le 1er mars 2024. Cette indication de date, se surajoutant à l'absence d'indication sur les voies de recours et délai de contestation, a été de nature à induire en erreur le requérant sur le point de départ du délai de contestation, en l'occurrence courant à compter de la notification de la décision intervenue le 22 février 2024 et non pas à compter de l'absence de constitution de garantie à la date du 1er mars 2024, aboutissant ainsi à priver [l’opérateur] de son droit à un recours effectif ».
 
Demande de dispense de garantie : écartée au fond
 
Selon l’alinéa 3 de l’article 348 du code précité, « Des garanties peuvent ne pas être exigées lorsqu'elles sont de nature, en raison de la situation du redevable, à susciter de graves difficultés d'ordre économique ou social ». Le juge rappelle que cette dispense de garantie est une exception au principe selon lequel le sursis de paiement est soumis à garantie (ce qui implique donc, ajoutons-nous, une interprétation restrictive de cette partie de l’article) et que la charge de la preuve repose sur l’opérateur. Or, en l’espèce, si ce dernier présente certes des documents justifiant qu’il a un enfant, un prêt et de faibles revenus dans son ménage, en revanche selon le juge, il « ne fournit aucune explication sur l'impossibilité de constituer une garantie sur son patrimoine constitué notamment des droits sur le fonds de commerce acquis avec son épouse » et « surtout, il ne démontre pas une impossibilité de constituer toute garantie ou cautionnement sans qu'il n'en résulte de graves difficultés d'ordre économique ou social ». Les conditions de l’alinéa 3 n'étant pas démontrées par l’opérateur, il est débouté de sa contestation à l'encontre du refus de dispense d'une garantie pour sursis au paiement des AMR.
 
 
Source : Actualités du droit