
Bail commercial : la modification non autorisée de la destination justifie la résiliation
Une récente décision de la Cour de cassation (3e civ., 27 mars 2025, n° 23-22.383) rappelle avec force l’importance de respecter la destination contractuelle des locaux dans un bail commercial. Même sans clause restrictive explicite, une modification de l’activité initialement prévue peut justifier la résiliation judiciaire du bail.
Un bail autorisant un snack, mais une activité de restaurant constatée
Dans l’affaire jugée, un bail avait été signé en 1993 entre M. [X] et plusieurs bailleresses pour l’exploitation d’un centre d’animation incluant la construction d’un snack. Toutefois, le locataire avait mis en place une activité de restaurant traditionnel, proposant une cuisine variée et élaborée, incluant fruits de mer, plats français et chinois, ris de veau, etc.
Cette évolution de l’activité a conduit les bailleresses à assigner le locataire en résiliation judiciaire du bail et en expulsion, estimant que la nature de l’activité commerciale n’était plus conforme à la destination prévue.
Une absence de clause restrictive insuffisante pour écarter le grief
Le locataire contestait cette lecture, soulignant que le bail ne contenait pas de restrictions explicites quant à la nature des plats servis ou à la vente d’alcool. Il soutenait également que les erreurs sur les dates des constats d’huissier et la complexité d’une procédure antérieure de régularisation devaient être prises en compte pour relativiser la gravité du manquement.
La Cour de cassation valide la résiliation
La haute juridiction a cependant confirmé l’analyse des juges du fond. Elle a estimé que l’exploitation d’un restaurant sophistiqué constituait une modification unilatérale de la destination contractuelle, excédant la simple activité de snack. Elle a jugé que ce manquement était suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.
Même si le bail n’était pas strictement restrictif, le locataire aurait dû obtenir l’accord préalable des bailleresses avant de modifier l’activité. La Cour rappelle également que l’appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Un rappel ferme aux locataires commerciaux
Cet arrêt illustre une jurisprudence constante : la destination contractuelle doit être scrupuleusement respectée. En cas de doute, toute modification substantielle de l’activité commerciale doit faire l’objet d’un accord exprès du bailleur. À défaut, le locataire s’expose à une résiliation judiciaire, à l’expulsion et au paiement d’indemnités d’occupation.